La surprise n'était pas de mise hier pour Simone Baste, que ses neveux avaient préféré prévenir, pour la préparer psychologiquement. C'est qu'était prévue à son domicile - qu'elle ne quitte plus du tout désormais, ne pouvant se lever seule de son siège depuis sa fracture du col du fémur, opérée avec succès - la visite du maire Jean Hetsch, accompagné d'une délégation de deux élues, Monique Potin et Christine Carton, de la responsable du foyer La Farigoule et de la chanteuse professionnelle Marlène Soler, venue lui offrir pour ses cent ans un mini concert privé. En ajoutant les proches de l'aïeule et les journalistes, quelle animation dans la maisonnée de la rue Raymond-Poincaré ! C'est là que Simone a emménagé enfant, pour y passer finalement sa vie entière. Elle est ravie de cette animation : « On ne se languit pas aujourd'hui ! », lance-t-elle. Pour son anniversaire, Monique Potin, adjointe déléguée au Développement des relations avec les familles et les seniors, lui remet au nom de la municipalité un superbe bouquet de fleurs, auquel le maire ajoute un panier gourmand. « Qu'est-ce qu'il y a dedans ? », s'enquiert la reine du jour. « Du Champagne, des pâtés, des madeleines, du bon vin... », détaille Jean Hetsch. « Ça, Tata, je sais que tu le prends avec le fromage », fait observer le neveu de Simone, Jean-Pierre, déclenchant un éclat de rire général.
Une mémoire intacte
Place à présent à la musique : Marlène Soler branche une enceinte, son micro et les notes envahissent la pièce. Le plus beau de tous les tangos du monde, interprète-t-elle avec une jolie voix bien timbrée. Elle enchaînera par Méditerranée, ayant été informée par ses proches que Simone appréciait tout particulièrement le chanteur Tino Rossi. Ce qu'elle prouve ensuite, en poussant la chansonnette à son tour : Corse, île d'amour, du même ténor, est entonné par la centenaire avec assurance. Devant l'assistance épatée, Simone poursuit avec un deuxième air, Flotte, petit drapeau, chant patriotique de la Première Guerre mondiale. Sa mémoire est intacte et lui viennent aux lèvres les trois couplets sans erreur ! Ravie des applaudissements qui récompensent sa prestation, l'ancêtre s'essaiera même à une troisième mélodie, une chanson populaire régionale oubliée, où il est question du Rhône et de Port-Saint-Louis, mais elle bloquera cette fois sur le troisième couplet, un peu contrariée de ne plus se souvenir de la fin des paroles. « C'est pas grave, Tata ! », la rassure Jean-Pierre. Et l'on se prend à songer que tout un pan du patrimoine local disparaîtra avec elle, comme chaque fois qu'un ancien nous quitte : qui donc se rappellera encore de ces airs du temps jadis ? En attendant, Simone n'a pas l'air de s'inquiéter de la mort : « On m'a toujours dit que j'irai au paradis », affirme-t-elle. « Ne soyez pas trop pressée ! », lui répond Jean Hetsch. Une dernière chanson de Marlène Soler, Maman, c'est toi la plus belle du monde, et l'émotion monte encore d'un cran. À plusieurs reprises, la vieille dame cache avec pudeur son visage dans ses mains. Le temps d'essuyer les quelques larmes qui embuent les regards et le neveu de la centenaire lance : « Tu as été gâtée, hein, Tata ! ». Et Simone de rétorquer aussitôt : « Pas gâtée, pourrie ! »