En mars dernier, le quotidien Paris Normandie publiait un article intitulé Après Lubrizol, un Institut écocitoyen est en projet à Rouen, sur le modèle de Fos-sur-Mer. Sur place, les inquiétudes liées aux conséquences de l’incendie d’une usine fabriquant des produits chimiques,  en septembre 2019, restent fortes et le manque de transparence  de l’industriel, comme des services de l’État, est pointé du doigt. En 2020, la Métropole et la Ville de Rouen prennent contact avec l’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions (IECP) de Fos-sur-Mer. Elles envisagent de créer  leur propre centre de recherche sur les effets des pollutions sur la santé, afin de mieux évaluer  les conséquences sur l’environnement des activités industrielles (voir ci-dessous). Philippe Chamaret, le directeur de l’IECP, précise : « Nous sommes en contact avec les collectivités rouennaises pour les accompagner dans leur projet. Leur objectif est de s’inscrire dans un processus scientifique de proximité pour savoir précisément ce qui se passe  sur le territoire. Il s’agit  d’accumuler des connaissances indispensables à l’élaboration des politiques publiques afin de protéger aux mieux les habitants. »

 

Un modèle unique en France

Depuis 2010, l'IECP, créé par la volonté des associations de défense de l’environnement, de la Ville de Fos-sur-Mer et du San Ouest Provence, réalise  des études sur les polluants contenus dans le sol, l’air, la mer ou l’organisme humain. Il dispose de son propre laboratoire ainsi que d’une plateforme de recherche sur les particules ultrafines, sans oublier une station mobile pour réaliser différentes mesures sur le terrain  en cas d’événement accidentel. Il organise également des actions de surveillance et de protection de l’environnement. Des missions menées en collaboration étroite avec la population.  Aux côtés des scientifiques de l’IECP, l’Observatoire citoyen de l’environnement, fruit d'un partenariat avec le ministère de l'Environnement, regroupe, en effet,  une centaine de bénévoles, mobilisés au quotidien auprès de l’association, pour la mise en œuvre des différentes études.  Plus largement, de nombreux partenaires, chercheurs, universitaires ou encore médecins généralistes participent aux travaux de l’IECP au sein du conseil scientifique. Pour Philippe Chamaret : « Ce travail en commun, alliant rigueur scientifique et participation des habitants, nous permet d’avoir une expertise locale et indépendante, très importante pour ensuite discuter avec les industriels et les services de l’État ».

 

Des contacts partout en France

À l’exemple de Rouen, de nombreuses collectivités ou collectifs d’habitants souhaitent désormais traiter au niveau local des questions scientifiques en se basant sur le travail des chercheurs et l’observation citoyenne. Philippe Chamaret explique : « En Haute-Savoie, la pollution de la vallée de l’Arve, près de Chamonix, inquiète la population. Sur place, les collectifs de citoyens veulent dépasser les discours officiels et connaître précisément les conséquences des activités industrielles ou encore du trafic routier sur leur santé. En 2020, nous avons reçu à Fos-sur-Mer une délégation qui a pu découvrir notre travail et visiter nos installations. Près de Narbonne, les riverains souhaitent plus de transparence sur le travail mené par une usine de traitement de l’uranium pour en faire un combustible nucléaire et militent pour la mise en place d’actions leur permettant de réaliser leurs propres études sur les conséquences environnementales du site. Eux aussi sont très intéressés par le modèle de l’IECP ». L’Institut a aussi des contacts avec des collectifs ou collectivités basés à Strasbourg ou Dunkerque, sans oublier ce partenariat scientifique existant depuis quatre ans avec l’université d’Arlon en Belgique. Preuve que le modèle novateur de l’IECP, créé il y a plus de 10 ans, fait des émules et a encore de beaux jours devant lui.

 

A Rouen, les doutes après l'accident de Lubrizol

Le 26 septembre 2019, l’incendie de l’usine Lubrizol créait un énorme panache de fumée noire au-dessus de Rouen, préfecture de la Seine-Maritime. Aujourd’hui encore, les conséquences sanitaires et environnementales de l’accident soulèvent des débats et l’inquiétude des riverains reste palpable. La Ville de Rouen réfléchit donc actuellement à la création d’un Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions, sur le modèle de ce qui existe déjà à Fos-sur-Mer. Selon Laura Slimani, adjointe au maire de Rouen, déléguée à la démocratie participative : « Des discussions sont menées avec des associations de riverains, des élus, des universitaires ou encore ATMO Normandie, l’association de surveillance de la qualité de l’air, afin d’envisager à terme la réalisation de nos propres études scientifiques sur les différents polluants affectant notre territoire. L’incendie de Lubrizol a vraiment renforcé le sentiment d’impuissance de la population et des élus locaux face à l’absence d’études précises, fiables et transparentes sur les conséquences sanitaires et le suivi environnemental. Le savoir, c’est aussi une forme de pouvoir. En ayant nos propres outils, nous pourrons ainsi mieux travailler aux côtés des industriels ou des services de l’État et agir plus efficacement pour protéger nos populations. »