La commémoration du centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale, le 11 novembre prochain, sera célébrée de manière exceptionnelle par la Ville de Fos-sur-Mer. A l'issue de la cérémonie, sera dévoilée une fresque réalisée par Pierre Buraglio qui ornera la façade de la Maison du combattant. Comme le souligne Cédric Aloy, élu délégué à la Mémoire militaire, cette fresque "affichera avec force tout cet engagement, qui est aussi celui des bénévoles de nos associations d'anciens combattants, que je remercie pour leur dévouement sans faille. Ils sont toujours présents pour faire vivre le souvenir de ceux qui sont tombés pour notre liberté et leur rendre hommage. Je tiens aussi à remercier les enseignants de nos écoles et du collège, qui permettent à notre jeunesse de reprendre le flambeau du devoir de mémoire. Merci donc enfin à ces enfants et ces adolescents qui se joignent aujourd'hui à nous pour affirmer, comme le disait Jaurès dont la citation orne la fresque, " Paix au peuple, guerre à la guerre ".

 

Anciens combattants : mémoire et reconnaissance

Les associations d'anciens combattants de Fos-sur-Mer, au nombre de sept, comptent 300 membres, fédérés par l'Union locale. Entretien avec son président, le colonel Villecroze.

"La mémoire et la reconnaissance sont portées par des femmes et des hommes quine sont pas anciens combattants ", précise d'emblée le colonel Jean-René Villecroze, président de l'Union locale des anciens combattants de Fos-sur-Mer. Fondée par Jacques Desse, elle est chargée de coordonner les différentes associations et de faire le lien avec les autorités. Le colonel poursuit : " Il ne reste plus aujourd'hui que 2984 anciens combattants sur la France et l'Outremer, avec les Harkis.Dans cinq ans, ce nombre sera divisé de 38%. Il n'y a plus de poilus de 14-18, le nombre de ceux de 39-45 se réduit à peau de chagrin, comme les anciens combattants d'Indochine ou d'Afrique du Nord... Les soldats participant aux opérations militaires extérieures de la France (Opex, dont je suis issu - Kosovo, Tchad, Mali, Afghanistan) ne suffisent pas à combler le vide entre les nouveaux entrants et les disparus. Dans ces conditions, le Souvenir français, qui compte plus de 200 000 adhérents en France, représente la nouvelle force, avec qui l'avenir se fera. " Cette association a pour mission d'entretenir les tombes des soldats, quand il ne subsiste plus de famille, et les monuments aux morts. Son président à Fos-sur-Mer est Henri Mortuaire.

Le respect des morts pour la France

Pas moins de six autres associations existent dans notre commune, pour un total d'environ 300 membres. " L'Union des anciens combattants (UAC),présidée par René Bachocz et fondée à l'origine par Georges Clemenceau, est le prototype même de l'association d'anciens combattants, explique Jean-René Villecroze. C'est elle qui regroupe le plus d'adhérents. L'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (Arac) fut pour sa part fondée en 1917 par Henri Barbusse, proche de la Section française de l'internationale ouvrière(SFIO) et communiste (SFIC). Présidée par Guy Marini, sa spécificité est de combattre le colonialisme et le fascisme. Sa vocation est de cultiver la mémoire de l'histoire dans un esprit de vérité. L'Association des combattants prisonniers de guerre (ACPG) de Gérard Delater a tendance à "s'effilocher", parce qu'il n'y a pratiquement plus de prisonniers de guerre. Nous envisageons une fusion avec l'UAC. L'Amicale des anciens parachutistes de Dominique Torrès, fondée par Edmond Scala, est "la guerrière"à l'état pur, qui regroupe les anciens légionnaires, les anciens d'Indochine, d'Algérie, les Opex... Tous des combattants qui ont connu le sang et les larmes. Aéroportés ou commandos, ils sont les premiers arrivés sur les conflits pour renseigner ou combattre. Enfin, Les fils et les filles des tués, sous la présidence de Christiane Dubief, est une remarquable association,qui vient au secours des orphelins de guerre,mais aussi aux victimes d'attentats et d'accidents. Sans oublier l'association des Médaillés militaires du président Yves Naessens." On le voit, les associations d'anciens combattants de Fos-sur-Mer sont bien présentes et toujours motivées pour cultiver le respect des morts pour la France.

 

Une fresque en hymne à la paix

Pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre, la Ville a commandé au célèbre peintre Pierre Buraglio une grande fresque, qui va orner la façade de la Maison du combattant. Quelle est la signification des éléments qui la forment ? Réponse de l'artiste.

"J'ai conçu une peinture murale pacifique aux couleurs de la France, explique Pierre Buraglio. La silhouette du soldat qui se détache sur fond bleu est commune aux combattants des deux guerres. Il pourrait être mon propre père, prisonnier de guerre en 40. À ses côtés, un petit clairon sonne l'armistice. " Plusieurs des éléments qui composent la fresque affirment la continuité du travail du peintre, qui a abordé lors de plusieurs expositions le thème de la guerre, notamment lorsqu'il fut en résidence à l'Historial de la Grande Guerre de Péronne entre 2010 et 2011. " Proche du soldat, le fil de fer barbelé qui est barré stigmatise la captivité, poursuit Pierre Buraglio. Au centre de la fresque, entre les ouvertures des fenêtres de la façade, je convoque Picasso avec ces deux mains croisées, inspirées d'un de ses dessins réalisé en 1921. Ici, elles représentent les mains de belligérants qui se serrent pour faire la paix : c'est la concorde. Toujours sur fond blanc, les deux casques de soldats superposés, l'un allemand et l'autre français, symbolisent eux aussi la réconciliation. Enfin, à droite de la fresque, sur fond rouge, la colombe est un nouveau clin d'oeil à Picasso en même temps que le symbole universel et millénaire de la paix. Les chrétiens, si cela leur fait plaisir, pourront aussi y voir la colombe du Saint-Esprit ! "

L'engagement d'une vie

Cette fresque, finalement, traduit l'engagement de toute une vie : Pierre Buraglio a été par le passé un actif militant politique et un fervent pacifiste. " C'est vrai que le soldat et le barbelé me touchent particulièrement, opine-t-il, et là je pense à mon père... Mon travail n'est ni chauvin, ni belliciste : les guerres représentent des millions de morts ! Je suis très heureux d'avoir retrouvé cette magnifique phrase de Jean Jaurès, inscrite sur la fresque, tirée de son appel juste avant qu'il ne soit assassiné : Paix au peuple,guerre à la guerre. " Le travail de l'artiste répond entièrement au souhait de René Raimondi : " La vocation de cette oeuvre sera de rendre vivace le souvenir de la Grande Guerre tout en rappelant des valeurs positives transhistoriques comme la Paix, explique le maire. Son rôle de transmission sera donc essentiel, le talent et la notoriété de l'artiste retenu étant des facteurs incontournables de réussite.En effet, Pierre Buraglio, peintre et dessinateur majeur de la création française depuis les années 60, a accepté de créer cette fresque, et l'aura de l'auteur de cette oeuvre renforcera l'hommage et inscrira cette contribution dans la postérité " La fresque sera dévoilée à la population à l'issue de la cérémonie du 11 novembre, en présence de l'artiste.

 

La jeunesse s'empare du témoin

La cérémonie du 11 novembre sera marquée par la participation active d'écoliers et de collégiens, en point d'orgue au travail mené avec leurs enseignants au service du devoir de mémoire.

L'implication de la jeunesse dans les commémorations débute tôt à Fos-sur-Mer : les élèves de CM1 de la classe de Delphine Cismondo, à l'école Del Corso, y participent chaque année. " Je ne sais plus très bien depuis quand, 6 à 8 ans, explique l'enseignante. D'habitude, nous participons au 8 mai mais, cette année, à la demande du colonel Villecroze pour le centenaire de la Première Guerre mondiale, nous serons présents le 11 novembre. "

Quelle forme la participation des enfants prend elle? " Nous fermons la marche du défilé de la place des Producteurs au square Clemenceau. Ensuite, nous nous plaçons face aux militaires et les enfants chantent La Marseillaise. " Par conséquent, en leur apprenant les paroles, vous leur en expliquez le sens... " Bien-sûr ! Ça rentre dans notre programme d'éducation morale et civique, où nous abordons les symboles de la République dont La Marseillaise. Nous n'avons pas de leçon sur les guerres mondiales, puisque notre programme d'histoire s'arrête à la monarchie absolue. Mais là, forcément, pour leur expliquer la commémoration, je leur en parle. " Et comment les enfants vivent-ils cette cérémonie ? " Ils sont fiers d'y participer. Et puis ça leur donne l'occasion de rencontrer des anciens avec qui ils peuvent échanger. "

Le CMJ répond présent

Les élus du Conseil municipal des jeunes (CMJ), âgés de 12 à 14 ans, participeront eux aussi à la commémoration. " C'est pour rendre hommage à ceux qui sont morts ", commence Séaliah. " Ils sont morts pour nous ", ajoute Louna. " Si l'on n'avait pas gagné cette guerre, on n'aurait pas tout ce qu'on a aujourd'hui, les mêmes droits, la même liberté ", suppose Noémie. "Liberté,égalité, fraternité ", cite Jérémy. " Nous devons transmettre leur souvenir, qu'on se rappelle d'eux pour ne pas qu'on recommence les mêmes erreurs ", estime Zélie. " Nous devons les remercier ", disent en choeur Charline et Maryline.

Le 11 novembre, le CMJ n'en sera pas à sa première commémoration ; qu'ont-ils ressenti le 8 mai dernier ? " J'ai été choquée de voir à quel point il y avait énormément de monde, répond Séaliah. Ça veut dire que c'est vraiment important. " Et Zélie de conclure : "J'ai été émue par les discours et les témoignages de résistants ". Était-elle intimidée, elle qui prit la parole au micro pour évoquer la guerre ? "Non, j'ai l'habitude : je fais du théâtre et de la radio avec SwagFM... "

Cette jeunesse est formidable !

Sophie David, qui enseigne l'histoire au collège André-Malraux, ne nous démentira pas : " Les élèves sont très motivés quand on étudie les guerres mondiales, témoigne-t-elle. Nous les sensibilisons au devoir de mémoire de plusieurs façons. D'abord en les faisant participer chaque année au Concours national de la Résistance et de la Déportation. Ensuite par des visites de lieux historiques comme le Camp des Milless : l'an dernier, toutes les 3e y sont allées. Cette année, nous avons un grand projet: nous rendre à Verdun, dans la Meuse, et au camp de Struthof, en Alsace. Enfin, outre la participation aux commémorations, nous faisons rencontrer à nos élèves de grands témoins des deux conflits. C'est très important pour cette génération qui n'a pas connu la guerre, ça leur transmet un message d'espoir. Et puis étudier le combat de ces femmes et de ces hommes contre le racisme et l'intolérance permet aux lèves l'apprentissage des valeurs des droits de l'Homme et de la citoyenneté.